Le contexte :
Le nombre de décès qui était resté relativement stable, autour de 550 000, en France pendant 6 décennies, de 1950 à 2010, est de 614 000 en 2018, lié au vieillissement des babys boomers qui ne fait que commencer: 750 000 décès sont prévus à l’horizon 2030. Il s’agit d’un enjeu de société majeur. L’allongement de la durée de vie associé à une pyramide des âges qui ressemble davantage à un cylindre qu’à une pyramide depuis quelques années, lancent à notre société un défi tout à fait nouveau : nous sommes dans un contexte inédit dans lequel nous ne pouvons pas ne pas nous préoccuper de l’accompagnement du vieillissement et de la fin de vie.
Qu’avons nous fait jusqu’à présent ?
– des lois, nombreuses … mais, exactement 20 ans plus tard, la première d’entre elles, la loi Kouchner du 9/6/99 qui garantit l’accès aux soins palliatifs , n’est toujours pas appliquée ! On estime en effet que près d’une personne sur deux nécessitant des soins palliatifs n’y a pas accès. Ont suivi la deuxième loi Kouchner en mars 2002, puis la loi Leonetti d’avril 2005 et enfin la loi Claeys Leonetti de février 2016. Elles ne sont guère mieux connues ni mieux appliquées !
– créé et développé 157 unités de soins palliatifs et 426 équipes mobiles qui interviennent principalement de façon transversale dans les hôpitaux.
Il n’est cependant ni possible ni souhaitable que la majorité des décès se passent à l’hôpital ou en USP. Rappelons que les français expriment de façon récurrente qu’ils souhaitent décéder à leur domicile, pour 85% d’entre eux. Actuellement seuls 26% des décès ont lieu au domicile.
Que faut il faire alors ? Développer résolument les soins palliatifs à domicile.
– Anticiper, c’est à dire apprendre à mieux repérer l’approche de la fin de vie et avoir le courage, l’audace ? , d’en parler: vieillir et mourir ne font- ils pas partie de notre condition humaine commune ? Ceci doit se faire en lien avec le patient, son entourage et l’ensemble des soignants intervenants. Ce repérage est le fruit d’une démarche collective qui nécessite des regards croisés et une parole qui circule entre les les médecins référents, les médecins hospitaliers et ceux du secteur médico-social (EHPAD). Il existe des outils qui facilitent ce repérage (Pallia 10, SPICT-FR). Communication forte avec le patient et collégialité doivent permettre d’obtenir un consensus sur un projet de fin de vie.
– Repenser les objectifs de soins afin d’éviter des hospitalisations non pertinentes souvent corrélées à une obstination déraisonnable dans les derniers mois de vie. Est il opportun de dérouter de leur vraie vocation les services d’urgence, déjà débordés par la hausse d’activité actuelle, en leur adressant des patients qui n’ont que quelques heures ou jours à vivre ? La généralisation et la tenue à jour de fiches de liaison SAMU-PALLIA serait un progrès important pour éviter des transferts inutiles.
De quoi le patient a-t-il réellement besoin ? D’être soulagé et accompagné, ce sont alors ses deux priorités.
-Etre soulagé : le médecin traitant, souvent isolé, doit pouvoir bénéficier rapidement et facilement, du conseil de soignants experts en soins palliatifs, venant d’une équipe mobile par exemple. Il faudrait augmenter significativement leur nombre et qu’elles ne soient pas cantonnées dans les hôpitaux, comme beaucoup le sont actuellement. La survenue de complications doit être limitée par des prescriptions anticipées personnalisées.
-Etre accompagné : une priorité doit être donnée à l’accompagnement du malade et au soutien de son entourage quand il existe. Le Pr Didier Sicard exprimait déjà fortement dans son rapport de 2012, que le patient en fin de vie a davantage besoin d’écoute et d’accompagnement que de soins techniques. Mais cet entourage familial ou amical n’est pas toujours présent, notamment dans les grandes métropoles. Le développement des soins palliatifs à domicile et en EHPAD nécessite donc de mobiliser la société civile en formant des volontaires–bénévoles d’accompagnement de proximité. Il s’agit d’un devoir de solidarité. Comme le dit très justement Anne de La Tour, présidente de la SFAP : « mieux vaut mourir accompagné que sédaté ! ».
Le développement des soins palliatifs à domicile est urgent car les enjeux éthiques et sociétaux sont urgents !
Bénédicte Denoyel